A la tête de la boulangerie-pâtisserie Mäder SA située à la rue de Seyon 22 à Neuchâtel, les frères Christian et Roland Mäder sont des entrepreneurs expérimentés qui gèrent avec succès cette exploitation et ses 25 collaborateurs. Après avoir repris l’entreprise familiale ensemble en 2018, les deux frères âgés de 48 et 45 ans ont ouvert il y a quelques mois une biscuiterie en ville. L’aîné, Christian, nous livre ses conseils et son expérience.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre parcours avant de reprendre la boulangerie familiale ?
Christian Mäder aux Caraïbes, où il a été chef pâtissier d’un grand hôtel.
« J’ai commencé avec un apprentissage de pâtissier-confiseur de 1989 à 1992, ensuite est venu la période de service militaire, j’ai également travaillé dans l’entreprise familiale et à 2-3 autres places. Je suis retourné dans l’entreprise familiale de 1996 à 2015 puis j’ai tout quitté pour travailler en tant que commercial. Cependant, le métier m’a vite manqué alors je suis parti aux Caraïbes en 2017. J’ai travaillé une année en tant que chef pâtissier dans un grand hôtel à Sainte-Lucie. Enfin, je suis revenu en été 2018 à la demande de mon frère afin que nous reprenions l’entreprise familiale ensemble. Actuellement, je codirige donc cette entreprise avec Roland. »
La formation est quelque chose qui vous tient à cœur, pouvez-vous nous en dire plus ?
« Disons que le fait de former des jeunes nous permet d’assurer notre avenir. Prenons une entreprise comme la nôtre avec 25 collaborateurs, il faut les former à la base, donc en leur enseignant notre savoir-faire, on s’assure d’avoir du personnel par la suite. De plus, c’est une chose que j’aime beaucoup, c’est un véritable échange. »
Parlez-nous du projet de votre biscuiterie, comment l’idée vous est-elle venue ?
« Quand je suis revenu de l’étranger, plusieurs personnes m’ont dit qu’une biscuiterie manquait à Neuchâtel (NDLR : la dernière biscuiterie neuchâteloise ayant fermé ses portes en 2016). Ce projet est né lors d’un match de hockey que je suis allé voir avec mon frère. Cette idée nous est venue alors que nous étions en train de savourer une bière et des nuggets, hors cadre commercial et hors cadre boulangerie. Il est important de se retrouver en dehors afin voir les choses différemment. Si l’on est en permanence dans l’entreprise on devient aveugle. La biscuiterie a donc ouvert une année plus tard, le 29 novembre 2018. Nous l’avons nommée « Le papillon » en clin d’œil à la boulangerie dont c’est le symbole depuis plusieurs années. Nous ne voulions pas faire ressortir notre nom de famille car la biscuiterie est une identité différente de la boulangerie. « Le papillon » permet donc de faire le lien avec le commerce principal tout en conservant un nom propre à la biscuiterie, bien que les deux commerces fassent partie de la même identité juridique. Cela nous permet aussi d’éviter le cannibalisme entre les deux commerces puisque les produits qui y sont proposés sont totalement distincts, bien que tout soit fabriqué à la rue de Seyon. »
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées lors de l’élaboration de ce projet ?
« Je dirais que ça a presque été un peu facile ce coup-ci. Il faut dire que nous avons une manière de travailler qui est idéale : mon frère s’occupe du côté administratif, il a d’ailleurs sa propre société de son côté, et je m’occupe de tout ce qui est exploitation et production. On se complète bien car moi je suis toujours dans l’action et lui entre dans le magasin comme un client. Il possède l’œil de ce dernier et me donne de bons conseils. C’est un plus d’avoir une structure comme celle-ci. Pour ce projet, nous nous sommes donc partagé le travail : lui s’est chargé du côté académique et moi du côté artistique. Nous avons trouvé un architecte d’intérieur qui a rapidement mis nos idées sur papier. On n’a donc étonnamment pas rencontré de problème sur ce projet »
D’après-vous, quelles sont les qualités indispensables d’un entrepreneur ?
« Je dirais qu’il faut être optimiste sans pour autant être tête brulée. Il est également important d’avoir un côté analytique et de savoir faire plusieurs choses en même temps. Je pense qu’en tant qu’entrepreneur il faut aussi avoir un côté meneur d’homme, c’est-à-dire qu’il faut aimer les personnes pour bien gérer une équipe de collaborateurs, à moins de créer une entreprise individuelle et de rester seul. »
Quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur en herbe souhaitant lancer sa propre activité ?
« Mon premier conseil serait déjà de se renseigner un maximum. Je conseillerais également de faire un carnet de route, avec un but atteignable et non pas farfelu. Il faut y aller pas à pas, se faire conseiller mais tout en étant prudent car certains conseils peuvent nous éloigner de notre idée de base et il est très important de toujours garder son concept initial et sa propre personnalité. Par exemple, l’idée de base de la biscuiterie était de ne pas faire les mêmes produits qu’à la boulangerie afin d’éviter un effet de cannibalisme entre les deux magasins. Pourtant, lorsque des clients m’ont conseillé d’également proposer des sandwichs, j’allais les écouter jusqu’à ce que mon frère me ramène à la raison en me disant de rester sur notre concept de base, le tester un moment et par la suite, éventuellement changer notre offre de produits. Pour résumé, il ne faut pas commencer à faire la girouette. Si l’on a une idée et qu’on est persuadée qu’elle est bonne, il faut la concrétiser et foncer. Ce n’est pas parce quelques clients ou quelques amis nous donnent d’autres conseils qu’il faut forcément les appliquer. Dans ce genre de situation, les conseils d’amis ne sont pas toujours les meilleurs. »
En cas de crise comme celle du COVID 19, comment réagir ? Quels sont vos conseils pour ne pas perdre le contrôle de la situation et gérer au mieux une mauvaise passe ?

Christian et Roland Mäder, deux frères entrepreneurs qui forment une équipe solide.
« Le fait que l’on soit deux est un avantage indéniable car si l’un de nous s’égare l’autre est là pour le ramener sur le bon chemin. Je dirais que le plus important dans ce genre de situation est de ne pas s’enfermer dans son état de crise mais de sortir de son activité et de regarder les choses de l’extérieur. Si on imagine la situation comme une pièce de théâtre, au lieu de garder notre place d’acteur sur scène, il faudrait prendre du recul et regarder le spectacle depuis la place du metteur en scène afin d’avoir une vision plus large et extérieure de la situation. Cela permet de voir passablement de chose. Ce qui m’a aidé personnellement, c’est d’aller faire de la course à pied, sans portable, sans rien. J’ai pu réfléchir différemment et me vider la tête. Cette heure que l’on s’octroie personnellement va au final en sauver 5 autres que l’on aurait passé au bureau sans trouver de solution. Donc s’aérer la tête et faire quelque chose que l’on aime aide beaucoup. »
Un mot de la fin ?
Je souhaite plein courage et succès à toute personne se lançant dans l’indépendance. Car oui être indépendant est un plaisir mais c’est aussi beaucoup d’obligations. Il faut aimer prendre un peu de risques et être prêt à les assurer. Cependant, je pense que si on y va pas à pas en suivant son carnet de route, on met toutes les chances de son côté pour réussir. Ce qu’il ne faut surtout pas oublier, c’est d’être patient.
Article rédigé par Shona Allemann.
Last modified: 2 septembre 2020