Ecrit parMaison Narbel est une maison de couture qui élabore des pièces uniques et contemporaines. Son fondateur est un jeune créateur lausannois qui a su se démarquer en proposant des vêtements originaux et de bonne qualité. Nous sommes allés le rencontrer dans son atelier au Workshop Studio, à Lausanne. Morceaux choisis.
Quel parcours as-tu fait pour en arriver là aujourd’hui ?
J’ai fait un gymnase, assez classique, en 4 ans. Je me suis orienté en arts visuels puis j’ai commencé à faire mes premiers vêtements. Je remettais des choses ensemble. C’était plus du collage, du patchwork. Ensuite, j’ai fait 6 mois de HEC qui furent un échec total. On a eu notre premier local avec la triade à ce moment-là et autant dire que je ne suis pas allé en cours. Je passais ma vie au local.
Ensuite, j’ai fait un an et demi à l’armée. Je suis devenu officier alors que j’étais totalement contre ça. Mais suite à un concours de circonstances, et le COVID, on a commencé à investir ces lieux (workshop studio à Lausanne, ndlr). Depuis je bosse ici à 100%. En septembre prochain, je commence l’HEAD à Genève en design mode.
Quel regard portes-tu sur le milieu de la haute couture ?
insta : @maisonmargiela
Je vais citer Martin Margiela pour le coup car il en donne une très bonne définition : “La haute couture c’est la balance entre la qualité et le confort à cela on peut ajouter un facteur intemporel.”
La haute couture comme je la conçois ce ne sont pas des robes que tu ne pourras jamais mettre à part au Met Gala, c’est pas forcément des dizaines et des dizaines de mètres de vêtements. A mes yeux, haute-couture rime avec simplicité, classe et immuabilité. Un tailleur Chanel par exemple peut se porter dans le métro !
Revenons-en à Maison Narbel, à quel moment as-tu décidé de te lancer ? Est-ce qu’il y a eu un déclic ?
insta : @maisonnarbel
J’ai commencé à m’intéresser à la mode il y a 4-5 ans. En 2016, j’ai commencé à revendre des vêtements que tu trouvais difficilement ici. C’était trop bien les gens étaient fous, c’étaient des malades ! *rires*
C’était cool de les avoir car nous étions peu, ça valait de l’argent et de plus ça voulait dire quelque chose. Pour moi les vêtements sont et seront toujours une sorte d’armure, un moyen de dire des choses que l’on ne dirait pas autrement. C’est pour cette raison que je me retrouve dans la mode.
Au début c’était juste pour m’amuser, ça ne s’appelait pas du tout Maison Narbel. Ça s’appelait Love & Life. En décembre 2020, on a eu une grosse discussion avec Hugo qui fait toutes les photos pour Maison Narbel : “A part ça mec, tu veux pas arrêter de travailler de façon machinale et juste te poser, écrire, réfléchir sur ce que tu veux dire etc.” Et du coup à la suite de cela, j’ai rédigé une auto interview disponible sur mon site et c’est ainsi que j’ai posé les bases de ce projet.
As-tu rencontré des défis lors de la mise en place de Maison Narbel ?
Bien évidemment, d’ailleurs le projet est loin d’être dans sa forme finale, il évolue constamment. Au début il a fallu apprendre à coudre. J’ai beaucoup appris avec YouTube et une femme qui s’appelle Marjorie Balissa qui vendait des tissus, je lui en ai acheté et suis revenu avec une pièce. Elle m’a dit :” ça c’est faux, ça c’est bien, ça tu refais une fois j’te tue ok ? Demain t’es à quinze heures dans mon bureau et je vais t’apprendre à faire ça.” C’était génial et c’est parti comme ça !
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Je vais te donner un autre exemple : je suis extrêmement mauvais en photo. Je suis une catastrophe là-dedans, je ne peux pas tenir mon téléphone… mais il est nécessaire pour moi d’en prendre afin de montrer mes habits !
Heureusement, on a énormément de chance dans cet entourage. Ça fait des années qu’on traîne avec plein de gens de ce milieu et il y a énormément d’entraide. Si j’ai besoin d’un photographe ? Untel s’occupera du shoot et en échange, je lui filerai une pièce ou un défraiement. Il y a eu donc passablement de défis à relever, je ne pourrai pas forcément te dire de choses précises. Ce qu’il faut retenir c’est qu’il y a tellement cette volonté de s’entraider ici à Lausanne que tu ne vois pas forcément ce genre de chose comme un défi.
Un autre exemple ! En ce moment, on a un problème : on aimerait 10 à 12 modèles sur le prochain shoot. Le budget du shoot c’est à peu près 0 franc.
Faut demander à tes potes !
Le problème c’est que tes 12 potes, tu dois t’assurer qu’ils soient à l’heure et dispo le même jour, qu’ils soient pas en gueule de bois etc… C’est plutôt ça le genre de défi qu’on a. Mais en soi ça va… c’est marrant et juste cool. Par contre, trouver des investisseurs peut être un futur défi.
Quelles sont tes inspirations ?
Dans le domaine de la mode, il y a Martin Margiela et Yves Saint Laurent, comme je disais tout à l’heure, mais plus globalement il y a deux sphères et demie principales : Tous les gens autour desquels je gravite. Hugo, qu’on a vu avant, Paolo qui s’est fait des lasagnes toute à l’heure, un tel qui fait de la musique et sa musique m’influence etc.
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Quand je crée un projet, il me plaît d’imaginer un caractère, une personne imaginaire en soit. De la replacer dans diverses situations, de me demander ce que cette personne ferait en fonction de ce qu’elle porte….
Je vois les femmes qui m’inspirent comme un ensemble d’individus tant figure culturelle, qu’actrice de la scène culturelle, musicale, cinématographique et artistique. Pour citer quelques exemples : Jane Birkin, Rihanna… ma mère. Toutes sont des femmes qui m’inspirent, me parlent. Plus que ce qu’elles sont, c’est ce que ces personnes évoquent qui m’inspire. A partir de tout ça, je fais mon petit patchwork et je crée mon petit personnage qui, à défaut d’avoir un corps et un visage, représente quelque chose. J’imagine ensuite ce personnage dans certaines situations et c’est de là que démarre la conception. Mais attention, à chaque fois j’imagine le vêtement dans une situation puis je le mets dans une autre. Là, elle pourrait porter tel vêtement, mais elle pourrait aussi le porter ici ou là-bas. Si ça ne tient qu’à elle, elle pourrait carrément prendre un bain avec. C’est ça qui est génial !
Peux-tu nous développer un peu plus cette notion de patchwork féminin ?
Attention dit comme ça, ça peut paraître réducteur pour les femmes alors que ce n’est pas du tout le cas ! Si je te le résume ultra simplement, c’est quelqu’une qui travaille, qui vit sa vie et pousse les choses au maximum, qui croit en son combat et est convaincue de ce qu’elle fait.
Donc tu ne fais que des pièces pour femmes ?
Non. J’imagine mes pièces sur des femmes. A partir de là, tu portes ce que tu veux. Je fais des vêtements pour humains imaginés sur le corps d’une femme ! Si tu veux sortir avec une robe, tu sors avec une robe.
Est-ce que ton goal ultime serait de devenir directeur artistique de la marque ? A l’instar de Virgil Abloh, Olivier Rousteing ou Maria Grazia pour ne citer qu’eux.
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J’ai du mal avec le terme de directeur artistique. Je trouve qu’il représente mal notre profession. Je préfère le terme de “designer”. Un designer design… un directeur artistique, du moins comme je vois ce métier, tire les ficelles mais ne dessine pas.
Y-a-t-il des grands couturiers qui t’inspirent ?
Oui bien sûr ! Tous. De par le statut qu’ils ont atteint au niveau de la maîtrise de leur art. Qu’ils plaisent ou pas c’est indéniable ce qu’ils font est juste grandiose même si certains m’ont plus influencé que d’autres. J’ai été particulièrement sensible au travail d’Yves Saint Laurent, mais la personne qui me parle le plus actuellement, mon papa dans la mode *rires*, c’est Martin Margiela. C’est pour cette raison que je veux aller à Anvers en Belgique, je veux faire la même école que lui !
D’où le nom aussi ?
Non. C’est parce que ça claque “maison”, il y a ce côté immuable et solide.
Tu nous as dit précédemment que tu n’étais pas un entrepreneur et que tu ne fais pas tout ça pour vendre des habits. Mais du coup, quelle est la raison d’être et le but, l’âme qui t’a fait créer cette structure ?
Pour l’instant, ce projet, c’est plutôt mon petit laboratoire. Si tu veux, je me sens un peu comme un pharmacien qui vendrait des médicaments avec des effets secondaires. Au sens où les choses ne sont pas parfaitement finies.
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Je n’ai aucune formation en tant que couturier. Je suis autodidacte à 100% à ce niveau-là. Pour l’instant, c’est une expérimentation, un laboratoire. Pour moi, je serai formé dès que je le considérerai. Donc, j’ose l’espérer à la fin de 3 ans d’école. Il faut que je puisse prendre une création et aller vers une maison, des entrepreneurs, des gens, des investisseurs. Et dire : “OK, j’ai posé ça comme base. J’ai fait ça comme formation, donc je donne de la légitimité à ma base.” Voilà donc l’idée, c’est vraiment créer un socle sur lequel construire. L’idée c’est que ce socle rende légitime Maison Narbel. Elle continuera toujours à évoluer, mais elle ne changera pas de nom !
Néanmoins, c’est un projet que je pense mettre un peu de côté dans un futur proche. Je pense qu’on va shooter dans un peu moins d’un mois. C’est le dernier projet et après ça va dormir. Je vais juste continuer de créer de mon côté mais ça va plus être 100% Maison Narbel car, en même temps, il y a les études.
Est-ce que tu as un conseil pour des créateurs désireux de se lancer ?
Faire faire faire et faire.
Propos recueillis par Innovation Time Lausanne
Retrouvez les autres épisodes de cette mini série consacrée à l’entreprenariat dans la mode sur YouTube ou Instagram !
Ismael Eliot Kane
Last modified: 21 octobre 2022
