Sonia Pleschcheva et Flavia Wallenhorst, deux entrepreneures, ont captivé l’audience lors de la conférence Women in Business, organisée dans le cadre de la Global Entrepreneurship Week (GEW) 2024. À travers leurs témoignages inspirants, elles ont partagé leurs parcours, leurs réussites et des conseils pratiques pour encourager d’autres femmes à entreprendre.
Qui sont-elles ?
Actuellement étudiantes, Sonia et Flavia incarnent une nouvelle génération d’entrepreneures ambitieuses.
Étudiante en économie, Sonia a grandi dans une famille d’entrepreneurs, dont le père est propriétaire d’un magasin de prêt-à-porter. Inspirée par cet environnement, mais consciente des stéréotypes liés au genre dans ce domaine, elle a cofondé Bli Bli Dressing, une plateforme innovante proposant une solution locale et durable à la mode rapide, en facilitant la vente de vêtements de seconde main sans frais de livraison.
Flavia, quant à elle, est à l’origine d’Ecoskills, une plateforme en ligne dédiée à la sensibilisation à la durabilité et la promotion de pratiques écologiques. Titulaire d’un bachelor et d’un master en sciences de l’environnement et poursuivant un deuxième master en sciences des données, elle a lancé sa première entreprise lors de sa dernière année de master dans le domaine de la sustainability. En effet, après avoir travaillé pendant deux ans dans une association environnementale qui manquait de fonds pour développer ses projets, elle a pris les devants en créant sa propre start-up, Ecoskills. Bien que cette aventure ait été marquée par des défis qui l’ont poussée à renoncer à cette entreprise, Flavia n’a pas renoncé à ses ambitions. Elle a aussi participé au programme Entrepreneur First, tout en explorant le domaine des investissements. Pourtant, Flavia n’avait aucune prédestination entrepreneuriale. Elle confie qu’avant de se lancer, elle associait l’entrepreneuriat à l’image d’un “vieux monsieur en costume”.
Challenges : Les défis du parcours entrepreneurial :
Pour Sonia, le principal défi reste l’argent. Pour entreprendre, il faut un capital de départ, et en tant qu’étudiante, sans salaire ni réseau, cela reste particulièrement difficile, notamment pour financer son premier prototype. Néanmoins, elle nous cite la possibilité de nous tourner aussi vers des bourses ou des campagnes de crowdfunding pour obtenir un financement. Cette réalité met en lumière la difficulté de démarrer un projet ambitieux avec des ressources limitées.
Flavia partage ce constat et souligne qu’on idéalise fréquemment le statut d’étudiant-entrepreneur. Elle révèle notamment avoir dû investir ses économies d’été pour faire avancer son projet. Mais, selon elle, il est possible de trouver d’autres moyens pour débuter sans argent, afin de ne pas dépenser inutilement.
Un autre obstacle réside dans la recherche d’un cofondateur, un élément souvent déterminant pour le succès d’une start-up. « La formule magique, être deux : une personne technique et une personne business, » explique Flavia. Mais elle remarque que cette dynamique pose un défi particulier pour les femmes, car dans le secteur technologique, où les start-ups sont souvent centrées sur l’innovation, la majorité des profils techniques sont masculins. Elle souligne que cela peut être un obstacle car naturellement, les personnes du même sexe s’agrègent entre elles. ll est donc difficile de trouver un partenaire compatible et, en général, elle constate qu’il y a aussi très peu de cofontadeurs de sexe opposé qui ne sont pas en couple.
Défis liés au genre : Inconvénients et avantages :
Tout d’abord, une question se pose: pourquoi le pourcentage de femmes dans l’entreprenariat est-il si inférieur à celui des hommes?
Selon Sonia, cela est dû à la fois à notre éducation et à notre environnement. Il se peut qu’on ait absorbé des stéréotypes, ce qui était le cas aussi lors de ses études de mathématiques. En effet, pour beaucoup, les maths restent un domaine encore majoritairement masculin.
Flavia insiste qu’il est important de considérer la “barrière biologique”: en étant entrepreneure, il est nécessaire d’investir du temps dans l’entreprise tout en ayant une vie personnelle et familiale saine. Aujourd’hui encore, la garde d’enfant à des prix abordables reste difficile.
Sonia évoque une anecdote surprenante : co-fondatrice avec son père, elle a déjà été interrogée à tort sur leur relation, certains croyant qu’ils étaient en couple. Habituée à évoluer dans des environnements majoritairement masculins, notamment pendant ses études en mathématiques, elle garde une attitude pragmatique. Néanmoins, pour certains, c’est un avantage d’être une femme car elles attirent l’attention. Mais pour elle, ce qui compte, ce sont les clients : “Peu importe, si on est un homme ou une femme, seul le résultat importe.” Son conseil ? Éviter de travailler avec des individus sexistes et se concentrer sur son objectif. Flavia, de son côté, adopte une philosophie de résilience : pour elle, il ne faut pas “se laisser aller dans cette position de victime”. Elle conseille “d’agir sur la seule partie où l’on peut agir : notre exécution et nos compétences.” Elle reconnaît que le chemin n’est pas toujours facile, évoquant des moments d’émotion, mais insiste sur l’importance de discerner quand il faut riposter et quand il vaut mieux lâcher prise.
Néanmoins, il existe aussi des avantages et des opportunités en tant que femme entrepreneure.
Selon Sonia, être une femme peut parfois être un atout dans le networking ou lors de conférences. Sortir du lot peut aider à attirer l’attention. Toutefois, elle nuance cet avantage, estimant qu’il reste limité. Elle conseille plutôt des évènements comme Women in Business, ainsi que des déjeuners ou clubs pour femmes entrepreneures, où l’entraide et les échanges sont valorisés.
Flavia, quant à elle, met en avant un avantage spécifique aux femmes dans certains secteurs : “En tant que femme, on est d’avantage associées au domaine du care (santé, éducation)”, donc les femmes dans ce domaine pourraient avoir un avantage. Elle évoque également l’essor de la FemTech, ces innovations dédiées à la santé des femmes, un secteur en pleine croissance qui répond à des besoins longtemps ignorés, comme ceux liés à la ménopause ou à l’endométriose. Ces problématiques restent souvent portées par des femmes, même si, idéalement, les hommes devraient aussi s’y intéresser.
Pour celles qui s’intéressent à d’autres domaines, comme la technologie, Flavia encourage tout de même à se lancer. Elle insiste sur l’importance de saisir les opportunités, tout en reconnaissant que ces secteurs peuvent paraître moins accessibles aux femmes. Plutôt que de s’isoler dans des groupes exclusivement féminins, elle recommande de diversifier ses relations. Selon elle, il ne faut pas éviter les cercles masculins. Ce sont souvent eux qui détiennent les liquidités et qui peuvent aussi être de précieux alliés.
Des solutions et conseils pour encourager plus de femmes à entreprendre :
Pour Flavia, des initiatives comme celles de Y Combinator (une sorte de Massachusetts Institute of Technology pour start-ups ), un incubateur de renommée mondiale pour start-ups et la meilleure école qu’une start-up peut suivre, peuvent jouer un rôle essentiel. Elle évoque des événements réservés aux femmes, comme ceux organisés à San Francisco, où des entrepreneures partagent leurs parcours, y compris leurs défis personnels. Ces témoignages permettent de démystifier le quotidien des entrepreneures et aident à comprendre qu’elles ne sont pas seules. Ces espaces d’échange permettent aussi de réfléchir aux modèles d’organisation familiale où l’entourage familial, notamment les grands-parents, jouent un rôle crucial dans l’équilibre entre travail et vie personnelle. Sonia, elle, reste pragmatique : « Il n’y a pas de solution magique. En tant qu’entrepreneur, si on arrête de travailler, on n’a plus d’entrées d’argent. » Elle insiste sur la nécessité de prioriser en fonction des réalités de chacun. Élevée par des parents cofondateurs, elle grandit en les voyant jongler entre responsabilités professionnelles et familiales. Pour elle, il faut rester réaliste. C’est avant tout une question de priorités, parfois de survie. Enfin, Flavia insiste sur l’importance de s’entourer de bonnes personnes, quel que soit leur genre.
Ces témoignages soulignent qu’au-delà des solutions collectives, comme des événements dédiés ou des modèles de soutien familial, il est crucial d’encourager une prise de conscience individuelle et sociétale autour des sacrifices, des besoins, mais aussi des opportunités pour rendre l’entrepreneuriat féminin plus accessible et viable pour toutes.
Fahima Abdoulamidou
Innovation Time Genève
Last modified: 17 janvier 2025