Vingt-deux ans après la conception d’Actares, nous voici le 10 novembre 2022 pour leur anniversaire autour d’une table ronde avec les chevaliers du développement durable. Dans ce forum, les intervenant-es se prononcent sur l’écoblanchiment prévalent chez certaines entreprises et fonds d’investissement suisses.
L’écoblanchiment (ou greenwashing) est une stratégie marketing, permettant à une entreprise de se donner une image écologique auprès du public, en utilisant des arguments trompeurs, tout en cherchant à détourner l’attention de leurs mauvaises pratiques. Un exemple d’actualité est celui de la marque Coca-Cola qui a sponsorisé la COP27 tout en produisant 120 milliards de bouteilles en plastique par an. Ce partenariat a sonné l’alarme de l’écoblanchiment auprès de l’association Greenpeace et auprès du public. Cependant, l’écoblanchiment n’est pas toujours facile à déceler et les utilisateurs écoresponsables sont induits en erreur par les campagnes “vertes » des entreprises.
Comment identifier l’écoblanchiment ?
Pour connaître l’impact d’une entreprise sur la société et l’environnement, des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ont été créés. Les ESG ont été popularisés par Kofi Annan en 2004 par le Pacte Mondial des Nations Unies, mais l’idée des ESG dans l’investissement responsable remonte jusqu’au XVIIème siècle.
Les fonds d’investissements sont créés par des sociétés de gestion qui gèrent les placements des investisseurs. Les investisseurs institutionnelles (banques, compagnies d’assurances) se souciant de l’investissement durable, ont poussé la création des fonds durables. Un fond durable est par définition un fond d’investissement qui inclut les critères ESG.
Durant le forum, la journaliste économique Myret Zaki, met en lumière plusieurs indices pour déterminer si un fond adhère vraiment au label ESG.
Dans un premier temps, il faut voir si les fonds dits durables adhèrent aux exigences de la réglementation européenne SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation). La SFDR oblige la transparence des informations sur le développement durable des sociétés de gestion vis-à-vis des investisseurs, leur permettant de faire un choix informé. La SFDR est une rampe importante à surmonter pour qu’un fond ou une entreprise soit qualifié de durable.
Dans un deuxième temps, il faut analyser l’historique des entreprises constituant le fond. Si une entreprise ne répond pas historiquement aux critères ESG, elle pourrait potentiellement faire preuve d’écoblanchiment. Aujourd’hui, des contraintes légales obligent les grandes entreprises et les sociétés de publier des rapports extra-financiers contenant leurs indicateurs de performance ESG attribués par des agences d’ESG internes ou externes. Myret Zaki souligne que les entreprises reçoivent des scores ESG qui diffèrent selon l’agence, ce qui démontre le manque d’uniformisation de la charte ESG appliquée à chaque entreprise.
Finalement, les investisseurs doivent s’intéresser à la société de gestion. Est-ce qu’elle-même est une entreprise durable, qui respecte la charte ESG et qui investit dans les projets qu’elle propose ? Ce sont des questions que tous les investisseurs devraient se poser. Pour répondre à ces questions, Myret Zaki suggère qu’une vérification importante de la contribution des entreprises dans l’investissement durable doit être effectuée par l’Union Européenne et les organismes internationaux. La contribution des entreprises devrait avoir un impact clairement défini sur la société, la transition énergétique, la protection de la biodiversité et le respect des droits humains.
L’écoblanchiment, est-ce durable ?
En manque d’actions contre l’écoblanchiment, le modèle économique d’aujourd’hui favorise l’utilisation de cette tactique de marketing. En tout cas, c’est ce que suggère Marc Chesney, directeur du Département de banque et finances et du Centre de compétence en finances durables de l’Université de Zurich, lors de sa prise de parole. Il suggère que l’écoblanchiment est une stratégie utilisée par beaucoup d’entreprises, permettant d’améliorer leur image et d’augmenter leurs profits. De plus, certaines de ces entreprises se trouvent dans la liste des fonds durables vérifiée par la réglementation SFDR. Il suggère qu’un changement de paradigme, incluant une conscience écologique dans le mode de consommation de chacun, ainsi que dans le mode de l’enseignement de l’économie, sont nécessaires pour sortir du cercle vicieux de l’écoblanchiment.
Comment se positionne la Suisse ?
La Suisse se porte leader en Europe dans la proposition de fonds durables, mais ne contribue que très faiblement au financement à l’impact (2 à 6%). En effet, le financement à l’impact doit guider l’économie vers un modèle durable et éco-responsable et démontrer des bénéfices réels. Par exemple, la Suisse investit très peu dans l’économie locale et circulaire. Des solutions efficaces sont donc nécessaires pour assurer une économie et des investissements durables.
Quelles sont les solutions ?
Pour nous proposer des solutions, Myret Zaki et Marc Chesney ont rejoint autour d’une table ronde, Maud Abdelli, responsable de l’initiative « Greening Financial ReguIation » du WWF, Jean Laville, directeur général adjoint de « Swiss Sustainable Finance » et Rosa Sangiorgio, responsable de l’investissement responsable chez « Pictet Wealth Management ».
Dans son discours, Rosa Sangiorgio évoque l’importance des banques centrales et des superviseurs dans le développement durable. Elle souligne que toutes les banques doivent se renseigner sur les critères de développement durable de leur investisseurs et leur proposer des projets correspondants. De plus, elle insiste sur l’importance de la formation des employés et des clients sur les questions d’investissement écoresponsable.
À son tour, Myret Zaki évoque la nécessité d’une implication plus importante de l’État sur la responsabilisation des entreprises. Jean Laville, quant à lui, insiste sur le pouvoir des investisseurs en encourageant leur formation sur les questions de développement durable. Pour finir, Maud Abdelli le rejoint en évoquant l’importance de penser à l’environnement dans chaque prise de décision.
Comment investir avec sérénité ?
Prendre en main ses investissements en se tenant informé sur les enjeux de durabilité est essentiel pour s’engager contre l’écoblanchiment. Une manière simple d’agir contre l’écoblanchiment est de veiller à nos investissements passifs comme les caisses de pensions. Actares est une association qui s’engage à défendre les intérêts de ses membres pour leurs placements et leurs caisses de pensions auprès des entreprises suisses cotées en bourse. Ses membres sont des individus et des sociétés informées sur les problèmes de développement durable et d’investissement responsable.
Les intervenant-es du forum Actares nous laissent avec 3 mots-clés pour combattre l’écoblanchiment: transparence, éducation et responsabilité.
Avec ces armes en mains, nous pouvons aussi agir contre l’écoblanchiment. Lors du prochain investissement, il convient alors de se demander: mon investissement prend-il réellement en compte le développement durable?
Diana Boeva
Innovation Time Genève
Last modified: 16 décembre 2022