Qui n’a jamais pensé à créer sa propre entreprise ? Souvent un rêve compliqué à mener, notamment par manque de fonds. Depuis quelques années, se financer grâce au crowdfunding est une méthode qui fait ses preuves.
Ce terme importé des Etats-Unis désigne un financement participatif. C’est-à-dire que n’importe quelle personne peut soutenir un projet en choisissant un montant à verser selon ses moyens et obtient en échange une contrepartie en lien avec cette réalisation. Les créateurs ont un laps de temps défini (souvent 30 jours) pour récolter la somme souhaitée. Le cas échéant, le projet ne se réalisera pas et aucune perte ne sera à déclarer. D’ailleurs, la plateforme ne prend une commission que sur les campagnes abouties.
Un élément déclencheur aurait-il servi de tremplin à cette forme de financement ? En effet, il faut remonter en 1885 lors de la construction de la statue de la Liberté, où les derniers 100’000 dollars ont été versés par des dons. Puis cent ans plus tard, lors de sa rénovation en 1983, American Express a prélevé 1 centime de l’entreprise lors de chaque achat déclenché par cette carte de crédit. Au total, 1.7 million de dollars ont été récoltés. En 2008, Barack Obama a également réussi à financer une partie de sa campagne électorale avec des dons (Finance mag, 2 janvier 2019).
Petit à petit, ce système de donation s’est de plus en plus développé et est devenu à la mode. Notamment avec la création de contreparties en échange d’un versement. Effectivement ce phénomène a explosé en Suisse, ce sont 516,6 millions de francs qui ont financé de nombreux projets en 2018 par le biais d’Internet. Soit une hausse de 38%, en comparaison avec l’année précédente. De plus, il est intéressant de noter que la plupart du temps ce sont des start-ups ou des petites PME qui ont recours à cette stratégie (Journal numérique le Bilan, 27 mai 2019).
Un cas concret d’une jeune start-up neuchâteloise
HopVrac, un drive local, bio et zéro déchet, a vu le jour en mai dernier grâce à sa brillante campagne de crowdfunding. En revanche, avant de se lancer dans la recherche de fonds, il faut avoir un programme bien défini. Anne-Laure Merlin et Léa Quillévéré ont pris leur temps pour réfléchir et ficeler leur projet commun. « Tout se joue dans la communication ! Vous avez beau avoir un projet parfait, mais si personne n’en a jamais entendu parler, c’est perdu d’avance », explique Léa Quillévéré cofondatrice de HopVrac.
Une astuce pour se faire connaître ?
Plusieurs outils existent pour gagner de la visibilité. Tout d’abord, en parler autour de soi, afin de percevoir des avis externes. « Les discussions nous ont permis de tâter le terrain et de pouvoir nous adapter en fonction des attentes du public. C’est une première étape avant d’entreprendre une étude de marché plus détaillée. », détaille Léa Quillévéré. Il faut également cibler un public pour pouvoir mieux répondre aux demandes. Ensuite, créer des pages sur les réseaux sociaux est un atout majeur pour la communication. « Nous avons rapidement mis en place un compte Instagram et Facebook pour créer une communauté et ainsi leur partager l’avancée de notre projet en temps réel. C’est important que les personnes puissent nous suivre et voir ce qu’on fait. Elles font également parties de l’aventure. », raconte l’entrepreneure. Le site Internet est aussi un élément clé pour regrouper les informations essentielles, mais il n’est pas forcément nécessaire au début. Un de ses avantages est que l’on peut facilement créer une newsletter. Cependant, si la campagne de crowdfunding n’aboutit pas, l’argent investi dans la création du site web sera perdu.
Une fois actif sur différentes plateformes, comment accroître le nombre de ses abonnées ? « Il ne faut pas hésiter à poster souvent du contenu. J’avais préparé à l’avance mes publications pour garder un certain rythme. », exprime Léa Quillévéré. C’est une façon de rendre son public attentif, en lui suscitant toujours plus de curiosité. Proposer des petits concours est également une démarche relativement simple pour obtenir plus d’abonnés rapidement.
Quelle plateforme choisir ?
Le choix de la plateforme de crowdfunding est un élément crucial pour plusieurs raisons. Pour commencer, il faut en adopter une qui est en lien avec son projet. Non seulement cela augmentera la crédibilité de son ébauche, mais aussi des habitués du site seraient enclins à participer financièrement. Puis, il est recommandé de regarder le taux de marge que se prend la plateforme. Cela peut varier entre 4 et 12% du montant total gagné. Pas de panique, ce n’est pas de l’argent perdu, car les gestionnaires s’engagent à coacher les projets avant de les mettre en ligne. Ainsi toutes les chances sont réunies pour réussir sa campagne.
Une fois le choix effectué, il faudra créer courte vidéo explicative du projet. L’idée est de construire quelque chose de simple, rapide et qui donne envie au public de soutenir cette initiative. « C’est un défi de réaliser une petite vidéo où n’importe qui peut s’identifier à nous et à notre projet. C’est comme ça qu’on va réussir à toucher les gens et les encourager à nous financer », confesse Léa Quillévéré.
Dernière ligne droite
Une fois le projet concret et la plateforme de crowdfunding choisie, il reste une dernière étape déterminante : le montant et ses contreparties. Il faut garder en tête que si le projet n’atteint pas le montant souhaité, c’est un échec. C’est pourquoi, il est recommandé de ne pas être trop gourmand afin de s’assurer une réussite. « Nous avons préféré mettre un montant relativement bas et fonctionner avec des paliers. En tout cas, c’est possible avec la plateforme We make it. », confie Léa Quillévére cogérante de HopVrac. Ces deux jeunes entrepreneures ont fixé un premier palier à 15’000frs puis un deuxième avec 5000frs supplémentaires et le troisième avec encore 5000frs de plus. Elles avaient trente jours pour atteindre au moins le premier palier. « On ne s’attendait pas à un succès pareil, en 24 heures nous avions déjà réunis les 15’000frs. », s’enthousiasme Léa Quillévéré.
Concernant les contreparties, c’est un point essentiel à ne pas bâcler. En effet, c’est en partie grâce à elle que les personnes seront encouragées à participer. Il faut également prendre en compte leur prix dans le budget total. « Si je peux donner un conseil pour minimiser les coûts, c’est de contacter ses futurs fournisseurs pour leur demander des offres sur certains de leurs produits.», exemplifie l’entrepreneure.
Pour les montants, il est recommandé de mettre toutes sortes de possibilités allant de 10frs à 1000frs, par exemple. Tout dépend de l’ampleur du projet et de son public visé. « Si vous avez beaucoup de personnes qui contribuent avec un petit montant, cela vous fera en théorie un grand nombre de clients potentiels. Après, il ne faut pas oublier que cela vous fera énormément de contreparties à donner. C’est pourquoi, il faut trouver un équilibre entre les sommes. D’ailleurs, la plateforme nous as permis de mettre une limite de participants par montant. », conseille Léa Quillévéré.
Créer des éditions limitées ainsi que jouer sur le décompte des jours restant rend encore plus attractif la participation, c’est une stratégie fortement conseillée. Un dernier détail à prendre en compte est la distribution des contreparties. Est-ce que les personnes viendront sur place les retirer ? Est-ce qu’elles seront livrées ou encore envoyées par la poste ? Ce sont des frais non négligeables à prévoir.
Et après ?
Une fois la campagne terminée, remercier tous les participants quelque soit le résultat obtenu. En effet, même avec un échec, il faut être reconnaissant avec les personnes qui ont soutenu le projet. C’est un pas en avant, si les créateurs décident d’améliorer leurs idées et de retenter une expérience de crowdfunding dans le futur. Ils pourront probablement compter à nouveau sur ce public « Nous avons passé un temps fou à remercier personnellement chaque personne. C’était important pour nous et je pense que c’est vraiment un plus pour fidéliser nos clients. » révèle Léa Quillévéré.
Du côté de la plateforme, comment ça se passe ?
Nicolas Oppliger, jeune entrepreneur neuchâtelois, a lancé en août 2018 sa propre plateforme de crowdfunding. Etant un enfant de la campagne, il a choisi de l’orienter sur l’agriculture et l’alimentation. Avant de lancer Yes We Farm, il avait entrepris plusieurs études de marché et en a conclu que c’était une niche idéale. « En me penchant sur un domaine en particulier, j’espère fidéliser quelques contributeurs. », confie Nicolas Oppliger fondateur de Yes We Farm. Actuellement, cette plateforme fonctionne bien en suisse romande, mais le but du jeune entrepreneur est de se conquérir également la suisse alémanique et le Tessin.
Avant de lancer son site Internet de crowdfunding, Nicolas Oppliger s’est heurté à plusieurs difficultés. « Etant donné que beaucoup d’argent transit par notre intermédiaire, nous sommes très réglementés légalement. C’était assez compliqué au début de mettre en place le système. » raconte le jeune entrepreneur.
Des conseils ?
Le contenu de la vidéo est un point clé, selon Nicolas Oppliger : « Une grande partie va se jouer avec cette dernière, les créateurs doivent réussir à transmettre l’envie au public de participer financièrement ».
Avoir quelques économies de côté est une des recommandations de Nicolas Oppliger. Selon son expérience, il n’a jamais vu un projet sur sa plateforme obtenir plus de 55’000frs grâce au crowdfunding. « En moyenne, les participants versent 150frs par projet et j’ai constaté que les montants souhaités tournent autour des 30’000frs », détaille l’entrepreneur.
Article rédigé par Adeline Hostettler
Innovation Time Neuchâtel
Last modified: 9 décembre 2020