Pour ceux qui ne connaissent pas encore le Web Summit, voici une courte description : c’est un sommet international, rassemblant des centaines de startups, entreprises, médias et personnalités (politiques, acteurs, artistes, entrepreneurs etc.) durant 3 jours et demi. Tout au long de la journée s’enchaînent conférences, pitchs de startups et stands de présentation des entreprises.
Cette année, plus de 53 000 personnes ont pu participer à cet événement. Rien que dans notre chambre d’auberge nous représentions quatre nationalités différentes : Argentins, Suisses, Français et Anglais. Nous étions en tout 9 personnes dont 4 entrepreneurs (David et Matias, de la startup HARDAH que nous suivons de près et deux Argentins).
La chose la plus étonnante fut de voir autant d’entrepreneurs venant de dizaines de pays différents, autant de volontés différentes de changer le monde et la manière dont il fonctionne. Autant de gens passionnés par leur projet et dépensant tant d’efforts pour venir à cet événement (le coût du Web Summit pour une startup est approximativement de 2000 CHF, sans compter les billets d’avion, le logement et la nourriture).
En tant que visiteur, je suivais essentiellement les conférences au MEO, le « Centre Stage », là où les conférences les plus attendues ont eu lieu devant 12 000 personnes.
Le « Centre Stage » du Web Summit
Ce qui fut particulier durant cette semaine, ce sont les résultats de l’élection américaine qui tombèrent le matin du second jour. Résultat : les conférences de cette journée furent marquées par le résultat inattendu médiatiquement, la victoire du candidat républicain. De mon point de vue, cela a significativement affecté la qualité du contenu des conférences. Les speakers, dont la plupart étaient américains, dérivaient très facilement sur de la politique plutôt que de répondre à la problématique auxquels ils étaient invités à traiter. Pourtant j’ai trouvé étonnant de voir que le public était (presque) entièrement contre ce résultat.
Avant de répondre à cette question, j’en profite pour rebondir sur un aspect du premier jour qui permettrait peut-être de contextualiser tout cela.
Une des conférences qui m’a le plus étonné fut celle de José Emmanuel Barroso (« Président de la commission Européenne » pouvait-on lire sur la brochure du Web Summit, en oubliant un tant soit peu son poste de « non-executive chairman » à Goldman Sachs, oups.) : il louait la mondialisation et la libéralisation des échanges, critiquant allègrement les « forces sombres du nationalisme qui pèsent en Europe et dans le monde » (vous voyez où je veux en venir).
Durant tout ce Web Summit, le libre-échange et la libre-circulation (des personnes, de la connaissance etc.) étaient une valeur que tout le monde partageait (ou presque). Le clip promotionnel de la ville de Lisbonne en faisait d’ailleurs un cheval de bataille en mettant la diversité de ses habitants en avant. C’est d’ailleurs cohérent avec l’entrepreneuriat : pour être scalable et réussir, il faut réunir des talents venant d’horizons divers et pouvoir s’exporter sur les différents marchés du monde.
Mais le peuple américain en a décidé autrement, tout comme le peuple Britannique d’ailleurs.
Après tout, cela fait rêver ce monde entrepreneurial, tel un CTO de Facebook qui vous assure lors de la première conférence qu’une intelligence artificielle naîtra dans les années à venir, que dans 10 ans Facebook connectera les « 4.1 milliards de personnes restantes » du monde pour « leur donner une voix ».
Tel un Barroso qui répète à tout va que « la mondialisation aura lieu » , qu’elle permettra une diffusion des capitaux, notamment en Europe où les Venture Capital sont peu développées comparé aux Etats-Unis.
Mais au vu de tout cela, n’oublierait-on pas une des choses essentielles : la plupart des habitants américains n’en a rien à faire de tout cela. Ce qui compte pour ces gens, c’est leur quotidien, leurs problèmes locaux. L’américain qui a voté pour le candidat républicain en a peut-être rien à faire de la nécessité du libre-échange ou de la libre-circulation. Cette remarque ne vient pas de moi, mais de Bradley Tusk (Tusk Holdings) lors la conférence « US elections fallout » et je trouvais qu’elle était pertinente. Non pas pour son côté politique, mais pour la philosophie qu’il y a derrière : les grandes compagnies et start-ups du monde entier veulent révolutionner le monde, créer des IA (intelligences artificielles), automatiser et robotiser le monde. Mais en faisant cela on oublie quelque chose d’essentiel : on intègre peu la plupart des citoyens du monde ! On révolutionne le monde sans impliquer ses citoyens.
Pour rebondir sur quelque chose de positif, je devrais citer la conférence de Joseph Gordon Levitt où il a souligné la différence entre une masse et une communauté et expliquer pourquoi il est important de développer la deuxième. C’est à dire de travailler, réaliser et construire, ensemble.
Joseph Gordon Levitt at the Web Summit
Parce que l’entrepreneuriat est une « combinaison entre l’art et la science » (dixit Gary Vaynerchuck et David Delmi), il faudrait peut-être, à l’avenir, repenser la manière dont les entreprises et start-ups d’aujourd’hui construisent le futur, en ne pensant pas seulement en terme de « révolution technologique » ou « révolution commerciale » mais aussi en terme d’inclusion du grand public, du « simple » citoyen et de sa perception des choses. En n’ayant pas comme unique objectif de « conquérir les marchés » ou d’« acquérir de nouveaux clients », mais en prenant en compte l’impact humain, sociétal, philosophique et environnemental que toute aventure entrepreneuriale, de quelques natures qu’elles soient, puissent avoir.
Au nom du comité Innovation Time, je tenais à remercier grandement HARDAH, en particulier David Delmi (CEO) et Matias Cerchierini (Lead developper) qui m’ont permis de vivre cet événement ainsi qu’a Johan Friedli de l’AGEFI, avec qui j’ai pu apprendre grandement sur le métier de journaliste et la manière de diffuser les informations.
Last modified: 31 août 2020
Mais merci à Innovation Time pour leurs articles et leur présences lors du Web Summit! Une belle équipe au service de l’innovation!