On passe notre temps dessus. On peut y attendre le bus, y esquisser quelques pas de danse ou bien même tomber dessus par mégarde. Le sol fait partie de notre vie de tous les jours au point qu’on l’oublie. La start-up Technis a décidé d’en tirer tout son potentiel.
Des empreintes, voilà comment sont appelées les données récupérées par le sol de Technis. Celui-ci, bardé de plus de 2500 senseurs, capte les changements de pression avec finesse. Ces données sont ensuite traitées par des réseaux neuronaux afin d’en soutirer de l’information intéressante pour le client. “ Une chose importante avec Technis est que l’on ne se contente pas de simplement fournir de l’information. On essaie aussi de voir avec le client ce qu’il veut faire avec cette information pour adapter notre service en conséquence “ précise ainsi Wiktor Bourée, CEO de l’entreprise.
Une offre de services
Technis, spin-off de l’EPFL, avait commencé à travailler sur les terrains de tennis. “ Notre vision était de révolutionner tous les courts de tennis, de manière à servir de l’arbitrage automatique pour le coach, le joueur de tennis et le club “ explique-t-il. Très vite, l’équipe a réalisé que pénétrer un tel marché de niche allait être compliqué, le coût l’installation étant élevé et les possibilités d’effectuer des tests restreintes. Ils se sont alors tournés vers d’autres applications pour leur sol.
Aujourd’hui, leur sol est utilisé dans les domaines de l’événementiel, pour le comptage de personnes, et bientôt dans le domaine de la santé, pour la prévention et détection des chutes. “ Le hardware est le même. En revanche, on a des patchs qui varient et sont choisis en fonction des besoins de notre client. On peut activer certaines features du software. C’est cela qui rend possible l’utilisation du produit dans différents environnements “. Une offre de services qui s’améliore au fur et à mesure que de nouvelles fonctionnalités sont développées.
Par exemple, dans le milieu de la santé, le corps médical était intéressé par la détection des chutes. Pourtant, au fur et à mesure des discussions, l’équipe de Technis réalisa qu’elle pouvait aussi les aider dans la prévention des chutes. “ La chute c’est très facile, on peut détecter la chute, mais ce n’est pas préemptif. On nous a demandé si on pouvait donner de l’information en avance. Comme on pouvait le faire. On a pu voir le changement de comportement du patient, l’évolution de sa démarche : si elle se fait plus hésitante, si les déplacements diffèrent, et cela permet au personnel de prendre des mesures à l’avance. “ explique Killko Caballero, CTO de Technis. Cette orientation « produit » a réussi à les différencier des autres entreprises de technologie.
Sortir du buzz
De nos jours, toutes les entreprises se disent start-up disruptives et innovantes, travaillent soit avec du Big Data , soit avec de l’intelligence artificielle, et cela grâce au machine learning . Ainsi, selon Wiktor Bourée, “ il y a 35 ans, le mot mondialisation était à la mode, il y a quinze ans, c’était le mot innovation, et maintenant on a des mots comme Big Data, AI, qui ressortent énormément. Il y a différents types d’intelligences artificielles issues de plusieurs méthodes, algorithmies et types de réseaux neuronaux. Je pense qu’aujourd’hui l’intelligence artificielle doit être appliquée dans des lieux où on pense qu’elle peut être nécessaire. Ca ne sert à rien de dire qu’elle est utile partout, parce que ce n’est pas le cas. “
Pourtant, l’intelligence artificielle fait partie intégrante du développement du software chez Technis. Par entraînement récurrent et l’apport constant de nouvelles données, les programmes arrivent à détecter de plus en plus de catégories différentes, et avec une efficacité de plus en plus grande. “ On a besoin d’entraîner, parce qu’il y a plusieurs types de données qui sont liées à l’événement au même moment, et on a besoin de créer différents types de réseaux neuronaux pour prendre des décisions à partir des données reçues. Est-ce qu’une personne est tombée ? Est-ce que c’est une personne qui marche à gauche ? A droite ? Au fur et à mesure, on a diversifié nos catégories, en ajoutant au pas, les roues, les valises, les poussettes, et ce grâce à notre quantité croissante de données. L’intelligence artificielle est nécessaire, car la complexité des données et de leur interprétation ne pourrait être traitée avec un if et un else. “
Les résultats sont probants et souvent meilleurs que d’autres techniques répondant au même problème. Dans le cas du comptage de personnes durant un événement, une technique utilisée se fait par détection de signaux de connexions au wifi. Une méthode intrusive et peu fiable, car basée sur des extrapolations statistiques imprécises. “ On estime, qu’en comptage, on dépasse les 95% de précision, ce qui est largement suffisant. Pourtant, on veut améliorer ce pourcentage avec des datasets meilleurs et plus nombreux “ indique Killko Caballero. D’autre part, les algorithmes peuvent être adaptés en fonction des besoins du client. Par exemple, dans le domaine de la santé, il vaut mieux détecter trop de chutes qu’en rater.
Garder l’esprit start-up
La start-up est avant tout un esprit. Il existe des entreprises qui font des milliards de chiffre d’affaires et qui gardent cet esprit, même si cela devient difficile avec des centaines d’employés. “ Je pense que le problème typique de la start-up est qu’il faut avoir une équipe bien soudée. L’environnement est très stressant, on travaille beaucoup plus qu’un quarante heures en moyenne, on est toujours à la recherche de fonds et de clients et si l’équipe n’est pas soudée, ça ne fonctionnera pas. Ce sont toujours les étapes du début de la start-up, mais ensuite ça change. On recherche toujours des gens passionnés par le projet et avec qui on s’entend bien “ ajoute Killko Caballero.
Ces gens sont directements repérés. Souvent, en plus d’avoir de bons dossiers et d’être des perles dans leur domaine, leurs interviews ont toujours quelque chose de différent. Les candidats se lâcheront et oseront. Souvent jeunes, l’équipe contient aussi certains membres avec plus d’expérience. Killko Caballero, avec plus de vingt ans d’expérience au sein de start-up en Californie, en est un exemple. : “ Je passe beaucoup de temps avec les ingénieurs à les pousser à penser différemment. C’est très facile de dire que là on ne peut rien faire. Il faut des gens qui ont cette souplesse et qui sont capables de se remettre en question. “
L’esprit n’a pas changé depuis le début du projet. “ L’objectif n’est pas d’avoir un service qui soit éphémère. On est vraiment dans le domaine de l’infrastructure, le sol est collé à l’infrastructure. On essaie d’avoir la bonne valeur sur chaque type de marché. Oui aujourd’hui on a des marchés qui fonctionnent bien, mais on en développe aussi d’autres en parallèle. On ne va pas attendre 5 ans pour commencer à travailler dessus “
Auteur: Louis Alexandre Jewell
Last modified: 31 août 2020