Étroitement liée à des enjeux sociétaux, éthiques et géopolitiques, la problématique de la pollution numérique a fait l’objet d’une présentation des plus informatives par Rosendo Mañas de l’association EPFL Zero Emission Group lors de la Global Entrepreneurship Week à Lausanne. Retour sur quelques points majeurs.
Lorsqu’il s’agit de pollution numérique, les chiffres parlent d’eux-mêmes – et sont pour le moins alarmants : son impact en CO2 équivaut à deux fois celui de l’aviation civile. De fait, le numérique est responsable de près de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, alors que son taux s’est déjà vu doubler en dix ans. A noter qu’une augmentation de 50% est encore estimée pour 2025 : d’ici-là, le numérique sera responsable de 5 à 6% de l’empreinte du numérique mondiale, selon une étude menée par Frédéric Bordage en 2019. Des données vertigineuses, qui impliquent également une consommation d’eau et de ressources abiotiques non négligeables.
A ce sujet, notre consommation ne semble pas près de décroître dans les années à venir, puisque si en 2015, 15 milliards d’objets connectés avaient été recensés, ce chiffre s’élève à 35 milliards en 2021, et l’on donne une estimation de 75 milliards en 2025 – l’équivalent de 8 à 10 appareils connectés par personne.
Au cœur de la crise socio-climatique
L’impact environnemental et social du numérique sur la planète est concret : 100 téléphones portables réchauffent un hectare de planète d’un degré pendant 60 ans – sachant que la fabrication des appareils de consultation est responsable des 80% des impacts du numérique. Si un·e Français·e jette en moyenne 24 kg de déchets électroniques par an, seuls 5 kg vont être collectés et recyclés convenablement. Envoyés en Afrique, ces containers de déchets numériques seront brûlés dans l’optique d’extraire le cuivre et les métaux susceptibles d’être vendus à bon prix. En outre, l’extraction de ces ressources implique parfois le travail d’enfants : selon l’UNICEF, quelques 40’000 enfants seraient employés pour l’extraction du cobalt en RDC. In fine, l’utilisation de produits nocifs dans le raffinage présente un danger avéré pour la santé des travailleur·euse·s, notamment dans l’augmentation des risques de cancer.
Des tensions géopolitiques sont également créées du fait de la rareté des matériaux et des terres requises lors de la conception d’un appareil électronique. De fait, si la Chine a les raffineries les plus avancées en la matière, elle accapare le marché et donne ainsi lieu à des conflits, notamment avec le Japon en raison du bannissement de l’exportation des matériaux rares. De même, le nickel – un des principaux composants pour batteries automobiles électriques – est intimement dépendant des terres rares. Un enjeu d’autant plus problématique que la demande de véhicules électroniques est en pleine explosion, alors que l’offre diminue.
Que faire concrètement ?
Prolonger la durée de vie des équipements semble désormais aller de soi – tout comme la règle des trois R : réparer, recycler, réemployer. De même, privilégier la connexion wifi plutôt que la 4G est une astuce relativement facile à mettre en application, tout comme éteindre sa box et le boîtier TV le soir, limiter l’usage du cloud au strict nécessaire et arrêter de regarder la télévision via Internet. A contrario, considérer les enjeux éthiques des services numériques est une tâche plus fastidieuse et demandera davantage de recherches – et donc de temps. A ne pas oublier que c’est ici que des associations comme Zero Emission Group rentrent en compte, car des passionné·e·s pourront vous aiguiller autant dans votre consommation numérique que dans de potentiels achats.
Une conférence qui s’est donc pleinement intégrée dans cette journée de la GEW consacrée à l’innovation au service de l’environnement, prenant ainsi en compte un angle mort des discussions entrepreneuriales et climatiques – le tout accompagné de statistiques percutantes (et sourcées) ainsi que de conseils concrets.
Pauline Pichard
Last modified: 30 janvier 2022